De A à Z: La bêta-alanine

* Article écrit avec la collaboration de Junior Mentor

Intro

Initialement testé chez les chevaux de course en 1999, le potentiel ergogène de la carnosine fut mis en évidence chez l’humain en 2006 par le scientifique Américain Richard C. Harris (le scientifique ayant popularisé la créatine au début des années 1990). C’est toutefois avec la mise en marché du produit CarnoSynMD par la multinationale suisse Nestlé en 2010 que la bêta-alanine a pris l’essor commercial qu’on lui connaît actuellement. L’arrivée de la bêta-alanine est donc relativement récente, mais elle est d’ores et déjà considérée par plusieurs comme la « nouvelle créatine » en nutrition sportive. Les suppléments de bêta-alanine sont commercialement disponibles au Canada en tant que produits de santé naturels, généralement sous forme de poudre, de comprimés ou de capsules.

Qu’est-ce que la bêta-alanine?

La bêta-alanine (également b-alanine) est un acide aminé synthétisé naturellement par l’organisme; principalement dans le foie. Contrairement aux acides aminés les plus connus, la bêta-alanine ne participe pas à la synthèse des protéines. Dans la diète, la volaille (ex. : poulet et dinde) et la viande de bœuf comptent parmi les aliments les plus riches en bêta-alanine. À ce jour, la bêta-alanine est reconnue comme étant le précurseur biochimique de deux composés importants pour l’organisme : l’acide pantothénique (vitamine B5) et la carnosine. C’est sur la conversion de la bêta-alanine en carnosine que repose l’intérêt de la supplémentation en bêta-alanine.

Rôle et effets

À l’effort physique, plusieurs facteurs sont à l’origine de la fatigue musculaire. Parmi ces facteurs, la diminution du pH (augmentation de l’acidité) dans le muscle est l’un des plus souvent cités. Lorsque l’intensité de l’effort augmente et que la demande en énergie surpasse la capacité des muscles à s’alimenter en oxygène, l’organisme se met à tirer son énergie du système anaérobique plutôt qu’aérobique. Le pH physiologique diminue alors que les ions hydrogènes (H+) s’accumulent dans les muscles (et non l’acide lactique, contrairement à l’opinion populaire), ce qui diminue la capacité du corps à synthétiser l’ATP. C’est ainsi que divers agents susceptibles d’atténuer ou d’inhiber la diminution du pH musculaire furent explorés en nutrition sportive. Par exemple, la supplémentation en bicarbonate fut l’une de premières interventions mises de l’avant, pour devenir l’un des aides ergogènes les plus populaires dans les disciplines d’endurance. Les forts malaises gastro-intestinaux associés à la supplémentation en bicarbonate ont toutefois poussé les athlètes à la recherche d’alternatives. C’est dans ce contexte qu’on assiste à l’intérêt pour la supplémentation en bêta-alanine qu’on lui connaît actuellement. Concrètement, de par son effet « anti-acide », la carnosine qui résulte de la bêta-alanine permet au muscle de se contracter avec une force pendant plus longtemps, et ainsi repousser la fatigue.

La bêta-alanine est-elle efficace?

Plus d’une cinquantaine d’études sur le potentiel ergogène de la bêta-alanine ont été effectuées depuis 2006. Dans son ensemble, la plupart de la littérature scientifique à ce sujet suggère que la supplémentation en bêta-alanine peut avoir un effet positif sur la performance. Sur la base d’une régression linéaire effectuée dans une récente méta-analyse (Hobson et al., 2012), la supplémentation en bêta-alanine peut amener une amélioration de la performance d’environ 3% sur une période de 2 à 6 semaines, pour une quantité totale de bêta-alanine ingérée de 179g. Ce qui, pour un sportif de haut niveau, est non négligeable. Cette même méta-analyse suggère que l’effet ergogène de la bêta-alanine est plus marqué pour des efforts de haute intensité durant de 1 à 6 minutes; particulièrement dans des disciplines de course de mi-distance (ex.:1500 m).

Toutefois, l’efficacité de la supplémentation en bêta-alanine peut considérablement varier en fonction de plusieurs facteurs. Pour le sexe par exemple, les effets ergogènes de la bêta-alanine tendent à être plus marqués chez les sujets masculins que chez les sujets féminins. Par contre, la différence de potentiel ergogène entre les sujets entraînés et les sujets non entraînés n’est pas clairement établie à l’heure actuelle. D’autre part, les effets ergogènes de la bêta-alanine semblent plus prononcés chez les sujets végétariens que les sujets non végétariens.

La bêta-alanine est-elle sécuritaire ?

Comme avec tout produit, nombre d’effets indésirables associés à la supplémentation en bêta-alanine, potentiels ou avérés, ont été documentés dans la littérature au cours des dernières années. Bien qu’il soit impossible à l’heure actuelle d’affirmer que la bêta-alanine soit 100% sécuritaire jusqu’à ce que plusieurs études à long terme soient complétées, tout porte à croire qu’une supplémentation en continue de 12 semaines est des plus sécuritaires lorsque la posologie est respectée.

Cependant, une attention particulière doit être portée à l’apparition ou non de la paresthésie (« flushing »), une sorte d’effet de type allergique, lors du régime de supplémentation. En effet, la paresthésie est à ce jour le seul effet indésirable démontré de la bêta-alanine; et elle n’est observée chez certains individus lorsque la dose aigüe dépasse 10 mg par kg de poids corporel (équivalent à environ 800 mg). La paresthésie est un trouble passager (<60 – 90 min.) de la sensibilité tactile décrite comme étant désagréable, mais sans douleur. Le plus souvent, les individus affectés ressentent des sensations de fourmillements, de picotements et/ou d’engourdissement. Des études récentes suggèrent toutefois que diverses formulations de bêta-alanine destinées à en ralentir la vitesse d’absorption par l’organisme (ex.: CarnoSynMD) semblent permettre d’éviter l’apparition de la paresthésie.

En bref

Par voie orale, la bêta alanine est aujourd’hui connue pour exercer des effets particulièrement efficaces sur l’endurance et la puissance musculaires à court terme. Elle est aussi reconnue, de par sa structure, pour avoir un effet similaire mais moins puissant que la caféine quant à l’état d’éveil et de vigilance, et semblable au jus de betterave quant à la vasodilatation (donc la récupération). Voilà pourquoi elle est fréquemment intégrée dans des « pré-workouts ». Malgré le fait que la bêta-alanine soit un des suppléments alimentaires les plus efficaces et les plus prometteurs sur le marché en ce moment, elle n’a aucun effet direct sur :

  • La force maximale
  • La puissance maximale
  • La masse musculaire
  • L’endurance aérobique (Vo2max)
  • La composition corporelle

Par contre, comme elle permet aux fibres musculaires de se contracter plus longtemps lors d’efforts à haute intensité (ie.1 à 6min), elle permet d’améliorer la capacité de travail et de retarder le seuil de fatigue lors d’efforts anaérobiques. Finalement, il peut être intéressant de mentionner aux lecteurs que, alors que la créatine améliorerait la force musculaire aidant à initialiser des mouvements explosifs, la bêta-alanine, en repoussant la fatigue neuro-musculaire, aide à supporter ces mouvements dans le milieu ou à la fin d’un entraînement ou d’une compétition.

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Junior Mentor, titulaire d’une maîtrise en sciences pharmaceutiques, agit également comme chargé de cours en matière de nutrition sportive et dopage sportif à l’Université de Montréal. Il œuvre présentement en R&D ainsi qu’en réglementation dans le domaine pharmaceutique, en plus d’intervenir comme conférencier. Enfin, il participe aussi à l’implantation d’un programme de recherche appliquée sur la supplémentation dans le sport à l’Université de Montréal, de concert avec divers partenaires (ex.: Institut National du Sport du Québec [INS]).

Références

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