«Détox» : le mythe et l’arnaque (partie 1/3)

Alors que beaucoup d’entre nous pensons la détoxification du corps comme un phénomène de mode moderne, l’acte de jeûne, ou de s’abstenir de nourriture, est un concept vieux comme le monde lui-même.

Bien que nous semblions programmés à croire que nous en avons besoin, les rituels de purification remontent aux premiers tronçons de l’histoire. L’idée que nous sommes en quelque sorte empoisonnés et que nous devons expier nos péchés semble être une partie de la nature humaine, ce qui peut expliquer pourquoi elle fait encore partie de la plupart des religions du monde.

Des croyances de longue date

Les rituels de nettoyage (spirituel ou physique) sont un processus ancien, qui exista et fut pratiqué dans de nombreuses sociétés religieuses ; souvent avant un type particulier d’activité, et surtout avant le culte d’une divinité.

Par exemple, diverses traditions au sein de l’hindouisme suivent des normes différentes de pureté rituelle et de purification. Une partie importante de ce rituel est le bain de l’ensemble du corps ; en particulier dans les rivières considérées saintes telles que le Gange. Il est considéré comme de bon augure d’effectuer cet acte avant tout festival, ou après la mort de quelqu’un.

Pour sa part, la purification rituelle islamique est particulièrement centrée sur la préparation à la prière rituelle ; certaines écoles de pensée affirment même que le mandat de la pureté rituelle est nécessaire pour maintenir le Coran.

Dans les traditions de nombreux peuples autochtones des Amériques, l’une des formes de purification rituelle est l’utilisation d’un sauna d’ablution, connu comme une hutte de sudation, comme préparation à une variété d’autres cérémonies.

Le jeûne

Bien que les régimes de détoxification aient peu de preuves scientifiques pour supporter leur efficacité, le jeûne a été autour de nous depuis et des siècles et a aussi des racines profondes dans la tradition religieuse. Beaucoup de religions ont au moins un type de jeûne rituel (pensez le Carême, le Ramadan et le Yom Kippour), et les Chinois ont utilisé le jeûne comme une partie des soins de santé préventive depuis plus de 2000 ans. De plus, la prémisse de nettoyage du corps qui est souvent associée au jeûne est basée sur l’idée égyptienne et grecque antique d’auto-intoxication, qui stipule que les aliments consommés peuvent se putréfier et produire des toxines qui nuisent à l’organisme.

La théorie de l’auto-intoxication

Cette théorie a fait son chemin dans le 19e siècle et le début du 20e siècle – la croyance selon laquelle le corps ne peut disposer pleinement de ses propres déchets, et que ces déchets s’accumulent (plus particulièrement dans le colon), ce qui provoque la formation de toxines qui sont absorbées et qui empoisonnent le corps, causant ainsi la maladie. Un éventail de symptômes, de la fatigue à l’épilepsie, étaient expliqués par cet empoisonnement interne. La « purge » ou l’ « irrigation colonique » était donc un outil utile pour les médecins avec peu de moyens à donner au patient. « Nettoyez le entrailles, et vous pourriez guérir n’importe quelle maladie. » Or, en 1919 et 1922, des observations scientifiques ont prouvé tort. Comme notre connaissance de la biologie a augmenté, la science nous a amenés à rejeter l’auto-intoxication alors que nous avons acquis une meilleure compréhension de l’anatomie, de la physiologie et de la véritable cause de la maladie. Cependant, en dépit de la science, et même si la théorie fut abandonnée par la médecine traditionnelle, l’idée persiste et demeure une forte croyance dans la culture populaire. Au cours des dernières années, la notion de nettoyage du corps a subi une sorte de résurgence, avec beaucoup d’autres approches notamment.

Montée de l’industrialisation et diètes contemporaines

Au cours des dernières décennies, l’idée que le corps a besoin de détoxification, au cœur de la médecine traditionnelle en Chine, en Inde et ailleurs, a été adoptée par certains praticiens de médecine alternative et holistique de l’Ouest. En parallèle, avec l’avènement de l’industrialisation et la montée de la production de masse, beaucoup de régimes alimentaires dits « paysans » sont apparus et se sont succédés au fil des années, vague après vague, dans le but de tirer un trait sur une alimentation moderne jugée trop grasse, trop salée et trop sucrée. On a qu’à penser au régime de la soupe aux choux qui nous rapproche du cultivateur et de sa terre ainsi qu’à la diète paléolithique (1, 2, 3), qui nous ramène tout droit au temps des hommes des cavernes.

Ainsi, dans sa version actuelle, la théorie de l’auto-intoxication fait valoir qu’une combinaison d’additifs alimentaires, le gluten, le lait, le sel, la viande, le fluorure, les médicaments d’ordonnance, le smog, les ingrédients du vaccin, les OGM, et peut-être même un morceau de tourtière et une bouteille de vin de la nuit dernière sont à l’origine d’une accumulation de « toxines » dans le corps.

Références

Origin of the so-called auto-intoxication symptoms, Journal of the American Medical Association, Walter C. Alvarez, M.D., 1919;72(1):8-13